Éco-anxiété en France - Faits et chiffres
Les origines de l'éco-anxiété
Le caractère inexorable du réchauffement climatique, exacerbé par la recrudescence de catastrophes comme les inondations, les sécheresses, les canicules et les mégafeux peut susciter une inquiétude importante, doublée d’un sentiment d’impuissance face à l’immensité des mesures à mettre en place pour ralentir le changement climatique. En 2023, la hausse de la température de la surface de la Terre s’élevait à 1,81°C. Cette hausse est d’autant plus inquiétante dans les milieux urbains, car leurs structures sont particulièrement propices à la rétention de la chaleur : en 2022, la ville de Paris enregistrait un record de température à presque 43 degrés, soit 4 degrés de plus que le record enregistré en 1900. Si 57% des habitants du monde entier déclaraient que le changement climatique a déjà entraîné de graves conséquences sur leur localité en 2023, 38% s’attendent à devoir quitter leur foyer d’ici les 25 prochaines années. Malgré le climato-scepticisme souvent véhiculé sur les réseaux sociaux et par certains responsables politiques, il est communément admis au sein de la communauté scientifique que le réchauffement de la planète est largement dû à l’activité humaine. Entre surconsommation, élevages intensifs, recours massif aux énergies fossiles, c’est le mode de vie humain, et particulièrement le mode de vie occidental, qui est à remettre en question face à la destruction de l’environnement.Bien que l’éco-anxiété ne soit pas considérée comme une pathologie psychiatrique, elle se manifeste entre autres par des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, et peut mener à la dépression dans certains cas. La solastalgie s’ajoute à une souffrance de plus en plus prégnante dans la population française, et touche une part importante de la société : 80 % des Français se déclaraient préoccupés par leur impact personnel sur l’environnement en 2023, et ils étaient tout autant pessimistes quant à l’avenir de la planète. Plus des trois quarts des Français de 18 à 30 ans sont inquiets de l’épuisement des ressources naturelles, du changement climatique et de l’avenir des générations futures. Un sentiment « d’hyper-responsabilité » vis-à-vis de la planète touche également les personnes souffrant d’éco-anxiété : ce sentiment les conduit à assumer psychologiquement le poids de l’inaction, voire de l’abandon, de leurs aînés et de leurs pairs, ainsi que des catastrophes à venir.
La prise de conscience des Français
Conscients de la crise climatique et apparemment convaincus par l’allégorie du petit colibri où chaque membre de la communauté est invité à faire sa part dans le sauvetage de l’écosystème, de nombreux Français ont changé leur manière de consommer. Les gestes les plus simples comme le tri, la réduction des déchets et du gaspillage sont quasiment unanimement adoptés par les Français. Ils étaient 54% à avoir acheté d’occasion en 2022, et 41,7% plus précisément à avoir acheté des articles de mode de seconde main l’année suivante. Ces changements dans le mode de vie ne s’arrêtent pas à la consommation : en effet, tandis que 64% des Français craignent les conséquences du dérèglement climatique sur leur famille et sur eux-mêmes, 30% des Français ont eu moins d’enfants qu’idéalement souhaité du fait de l’inquiétude au regard de l’avenir des générations futures, ou bien du poids que représenterait leur progéniture sur les ressources déjà éprouvées de la planète.Toutefois, même si 77% des Français tendent à penser que les citoyens ont un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, ces actions individuelles peuvent parfois sembler dérisoires. En effet, la majorité des déchets produits en France vient non pas des ménages, mais de l’activité économique, plus particulièrement de celle du BTP : près de 70% des déchets produits en France sont issus de la construction. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, le poids des géants industriels (énergies fossiles, agroalimentaire, textile…) est également considérable, et laisse souvent, face à eux, un sentiment d’impuissance aux individus préoccupés par les questions environnementales.
Un engagement fragile des Etats
Face à ces géants polluants et redoutablement influents, les Français placent principalement leur confiance en les Etats et les organisations internationales pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations Unies, soulignant ainsi le rôle incontournable de la politique dans les questions environnementales. Des listes menées par le parti Europe Ecologie/Les Verts (EELV) ont ainsi été portées à la tête de plusieurs grandes villes françaises comme Marseille, Strasbourg et Lyon aux élections municipales de 2020. De manière générale, la France s’efforce d’inclure dans ses priorités la réduction de son impact environnemental : ses émissions de dioxyde de carbone ont baissé presque de moitié depuis le deuxième choc pétrolier de 1979, et presque 40 milliards d’euros sont alloués par le gouvernement à des dépenses respectueuses de l’environnement en 2024, soit une augmentation de plus de 10 milliards d’euros en trois ans.Cependant, l’engagement des Etats en faveur de l’environnement est largement dépendant de la conjoncture internationale et malgré ses efforts, la France n’y fait pas exception. En dépit des multiples Conférences des Parties (COP) pour la construction de règles internationales communes et la signature de l’Accord de Paris en 2015 par 55 pays du monde, ce n’est que la pandémie de Covid-19 en 2020 qui a su mettre un coup de frein sensible aux émissions mondiales de CO2, avec une baisse de plus de 2 milliards de tonnes émises cette année-là. Alors que l’engagement de la Commission européenne à la neutralité carbone d’ici 2050 et le positionnement du Président Emmanuel Macron en « champion du climat » avaient de quoi redonner confiance en la transition écologique de la France, le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a porté un coup économique et énergétique considérable aux pays de l’Union européenne. Emmanuel Macron, ainsi que de nombreux autres dirigeants de l’UE, industriels et agriculteurs ont sollicité une pause sur l’application du Green Deal, l’ensemble législatif devant permettre à l’UE de respecter l’Accord de Paris, jugé trop contraignant au regard des bouleversements économiques et énergétiques actuels.