

L’état détérioré de la santé mentale des Français
Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale se définit comme « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ». Or, la pandémie de Covid a tellement perturbé le quotidien des Français, qu’elle a entraîné des conséquences sur leur santé mentale, en particulier chez les plus jeunes. Ainsi, durant la pandémie, un jeune de 18 à 24 ans sur cinq a subi un épisode dépressif et plus de 36% des étudiants en avaient des symptômes. Ce trouble psychique a également atteint l’ensemble des Français, entraînant 3,4 millions de prescriptions d’anxiolytiques et près de deux millions de prescriptions d’antidépresseurs de plus que l’année précédente. Après la crise sanitaire, les niveaux élevés de troubles psychiques comme la dépression, l’anxiété ou les pensées suicidaires se sont maintenus.Les pathologies psychiques sont rangées dans des catégories par la psychiatrie. La dépression, le trouble le plus fréquent, fait partie, avec la bipolarité, de la catégorie des troubles de l’humeur. Les troubles névrotiques, comme par exemple le trouble obsessionnel compulsif (TOC), figurent aussi parmi les troubles les plus communs. Au total, plus d’1,4 millions de Français étaient traitées pour des troubles névrotiques et de l'humeur en France en 2020. Mais les troubles qui donnent lieu au plus grand nombre d’actes médicaux réalisés en ambulatoire sont les troubles psychotiques, qui sont des troubles délirants, comme la schizophrénie. Plus de 480 milliers de Français étaient traités pour troubles psychotiques en 2020. Il existe de nombreux autres troubles, par exemple les troubles de la personnalité ou encore les troubles du comportement. Certains estiment également que les troubles addictifs feraient partie des pathologies psychiatriques.
La plupart des troubles apparaissent durant ou après l’adolescence, même si certains d’entre eux apparaissent bien plus tard, comme ça peut être le cas avec le burn-out, tandis que d’autres se manifestent dès l’enfance. En 2020, près de 118.000 enfants de moins de 15 ans ont été traités pour troubles psychiatriques.
Les psychiatres et les soins psychiatriques
L’État français consacre annuellement un budget d’1,3 milliard d’euros à la santé, dont une partie importante est dédiée à la psychiatrie. Mais le secteur peine à recruter et ne parvient pas à traiter le nombre croissant de patients.La psychiatrie est une spécialité médicale. Les psychiatres sont donc des médecins, qui ont suivi des études de médecine. En 2022, on dénombrait 15.516 psychiatres en France. Pour la première fois en 10 ans, le nombre de psychiatres a diminué entre 2021 et 2022. En effet, de nombreux postes en psychiatrie restent vacants, provoquant des fermetures de lits dans les hôpitaux. Entre 2000 et 2020, le nombre de lits d'hôpital en soins psychiatriques a continuellement diminué, passant de 1,03 lits pour 1.000 habitants en 2000 à 0,8 lits en 2020.
Le manque de lits et de personnel engendre, d’après Rachel Bocher, chef du service psychiatrie au CHU de Nantes, un tri des patients, qui pour beaucoup sont refusés et renvoyés vers les urgences ou le secteur libéral. Ce manque de personnel provoquerait aussi d’après Serge Hefez, psychiatre à l’hôpital de la pitié salpêtrière à Paris, un burn-out généralisé dans les services de psychiatrie. Au vu de cette situation, seuls peu d’étudiants en médecine souhaitent s’orienter vers la psychiatrie. En 2021, plus de 13% des postes d'internes en psychiatrie sont restés vacants.
Cette situation a aussi pour conséquence qu’une fois le diagnostic posé et un médicament prescrit, l’accompagnement sur le long terme n’est pas assuré. Or, d’après Serge Hefez, il ne faudrait pas traiter les pathologies psychiatriques de la même façon que les maladies physiques car les maladies mentales sont intimement liées à l’environnement de la personne, et non pas à son corps. Il faudrait donc davantage s’intéresser aux relations sociales de la personne et l’accompagner sur le long terme. C’est ce que font certaines associations, comme le Clubhouse, une structure qui propose des activités ludiques aux personnes souffrant de troubles psychiques et leur permet ainsi de recréer du lien social après de longues périodes de chômage ou de séjours à l’hôpital.
Cependant, en dehors de telles initiatives éparses, pour le moment, l’accent est mis sur le traitement médicamenteux. En 2019, plus de 4,2 millions de Français se sont vu prescrire des antidépresseurs et plus de 4,1 millions des anxiolytiques. Mais les Français consomment également volontiers ces médicaments sans prescription. En 2019, près de 2,9 millions de Français ont été traités par antidépresseurs sans pathologie pertinente diagnostiquée et plus de trois millions par anxiolytiques, également sans diagnostic. Malgré cette consommation importante, preuve d’un mal-être chez de nombreux Français, les troubles mentaux restent souvent stigmatisés et les personnes en souffrant se retrouvent vite exclues.
Ces problèmes ont été reconnus par les pouvoirs publics, qui ont organisé la tenue d’Assises de la santé mentale et de la psychiatrie les 27 et 28 septembre 2021 et annoncé un certain nombre de mesures, mais Rachel Bocher estime que c’est insuffisant et qu’il faudrait une réflexion plus large sur le système de santé et sur la santé mentale. D’après elle, la solution serait de placer la santé mentale parmi les priorités et de transformer nos villes pour les rendre plus favorables à la santé mentale, en mettant notamment en place davantage d’espaces verts et de lieux de rencontre./.