Montée de l’extrême-droite en France - Faits et chiffres
Ascension de l’extrême droite en France et profil des électeurs
Entre le début des années 2000 et aujourd’hui, les partis d’extrême-droite ont obtenu de plus en plus de voix en France. Avec des scores encore situés entre 10 et 15 % dans les années 2000, ces partis totalisent désormais autour de 30 % des voix. Au premier tour des élections présentielles de 2022, les partis d’extrême-droite français ont obtenu au total plus de 33 % des voix, un record.Le vote d’extrême-droite est particulièrement important en Corse et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi qu’à Mayotte et dans les Hauts-de-France. Le RN attire particulièrement les 50 à 59 ans et Marine Le Pen réunissait en 2022 les intentions de votes de plus de 37 % des personnes issues d'un milieu social défavorisé, contre seulement 8 % des voix des personnes de milieux aisés. D’ailleurs, près de 60 % des ouvriers prévoient de voter RN aux élections européennes de 2024, contre moins de 20 % des cadres.
Les intentions de vote très élevées pour le RN aux élections européennes sont en partie dues à la grande popularité de Jordan Bardella. Avec près de 40% d’opinions favorables, Jordan Bardella est la tête de liste la plus appréciée, loin devant la tête de liste de Renaissance, Stéphane Séjourné, que près de 80% des Français affirment ne même pas connaître.
Idées des partis d’extrême droite
Les partis populistes ont souvent des tendances nationalistes et sont généralement pour un affaiblissement, voire une disparition de l’UE, dont ils considèrent qu’elle empiète sur la souveraineté des États. Près de 60% des sympathisants du RN affirmaient en 2022 que l’UE était une mauvaise chose. Chez les sympathisants de Reconquête, ce taux montait même à 64 %.En outre, les mouvements d’extrême-droite abordent souvent les mêmes thèmes, notamment l’immigration et l’insécurité. En 2022, 95 % des sympathisants du RN affirmaient qu'il y aurait trop d'étrangers en France et moins d’un tiers des votants d’extrême-droite se disaient favorables à la lutte contre le racisme et l’islamophobie. Seuls 17% des sympathisants RN pensaient en 2022 que la religion musulmane était compatible avec les valeurs de la société française. Les sympathisants des partis d’extrême-droite sont accusés de propager le racisme et l’antisémitisme, allant jusqu’à, dans certains cas, user de la violence. En 2021, la France a procédé à 29 arrestations pour des projets d'attentats terroristes affiliés à l'extrême-droite.
Ces partis se positionnent également en faveur de la tradition et du modèle familial traditionnel. Cela implique généralement moins de droits pour les personnes LGBT+. En outre, les droits des femmes sont menacés par les gouvernements régis par l’extrême-droite, qui tentent notamment de limiter voire d’interdire l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Un quart de l’électorat d’Eric Zemmour est ainsi contre le droit à l’IVG, contre seulement 7% de l’électorat d’Emmanuel Macron.
Economiquement, les partis d’extrême-droite sont généralement favorables au « Made in France » et à un repli national de l’économie. Le RN et Reconquête souhaitent ainsi favoriser l’économie et l’industrie françaises en limitant les échanges avec les autres pays. Le programme du RN prévoit notamment de revenir sur les accords de libre-échange « qui ne respectent pas les intérêts de la France ».
Enfin, les partis d’extrême-droite ont généralement une vision autoritaire du pouvoir. En 2022, plus de 80% des sympathisants du RN étaient favorables au rétablissement de la peine de mort et 97% d’entre eux affirmaient que la France aurait besoin d’un chef fort pour remettre de l’ordre.
Pourquoi une augmentation du vote d’extrême droite ?
L’abstention était la véritable gagnante du premier tour des élections présidentielles de la France en 2022 et pourrait atteindre de nouveaux records lors des élections européennes de 2024, en particulier chez les jeunes. Mais elle seule et l’affaiblissement des partis traditionnels ne suffisent pas pour expliquer une augmentation aussi forte du vote d’extrême-droite.La progression des mouvements d’extrême-droite et la dédiabolisation des discours populistes pourraient également être liées à une recherche de réponses après les nombreuses crises auxquelles les Français ont fait face depuis 2008. Après la crise économique de 2008, puis la hausse des prix de l’immobilier les années suivantes, la pandémie de Covid a fortement impacté les Français. La guerre en Ukraine a ensuite provoqué une crise de l’énergie et une forte inflation, renforçant les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres et faisant diminuer le pouvoir d’achat de nombreux citoyens. Le pouvoir d’achat et la hausse des prix sont les deux enjeux qui compteront le plus pour les Français au moment de voter aux élections européennes de 2024. Or, ce sont justement des thèmes très repris par le RN, ce qui a pour conséquence que près de 40 % des Français considèrent le RN comme un parti proche de leurs préoccupations. Le RN propose ainsi notamment de renationaliser les autoroutes pour baisser les péages, ou encore de réindexer les retraites sur l’inflation.
Enfin, il semblerait que les citoyens choisissent parfois de voter extrême-droite plutôt par contestation que par accord avec les idées politiques portées par ces partis. D’ailleurs, seulement 9% des Français se considéraient comme d’extrême-droite en janvier 2024, en totale contradiction avec les scores élevés des partis porteurs des idées d’extrême-droite. En réalité, de moins en moins de Français considèrent le RN comme un parti d’extrême-droite, et une part grandissante de citoyens pense que le RN est capable de gouverner la France. Le RN lui-même se place en tant que principal parti d’opposition face à la majorité présidentielle, votant quasiment systématiquement contre les textes de loi portés par le gouvernement et souvent également pour les motions de censure déposées à l’encontre du gouvernement en réponse à l’usage de l’article 49.3 de la Constitution. Le RN a notamment largement voté contre la réforme des retraites de 2023.
Risques pour la démocratie et l’action climatique en Europe
L’arrivée au pouvoir de partis politiques d’extrême-droite affaiblit les droits de grandes parties de la population, notamment des femmes, des personnes LGBT+ et des personnes d’origine étrangère, mais ces partis politiques risquent également d’endommager la stabilité des démocraties européennes. En effet, plus de la moitié des Français pensaient en 2023 que le RN était un parti dangereux pour la démocratie.Si l’on s’intéresse à l’indice de démocratie des pays d'Europe, on peut voir que la Hongrie et la Pologne, toutes deux alors gouvernées par l’extrême-droite, étaient mal classées par rapport aux autres pays européens en 2021. Allant de pair avec la démocratie, la liberté de la presse est, elle aussi, plus fragile dans les pays gouvernés par l’extrême-droite comme la Hongrie ou l’Italie.
Dans une Europe faisant face à de nombreuses crises, de la guerre en Ukraine à la crise climatique, les désirs nationalistes des extrêmes-droites pourraient freiner, voire empêcher, les actions communes, en particulier concernant la lutte contre le dérèglement climatique. Par exemple, un ministre du Fidesz hongrois expliquait en 2018 que « le degré́ auquel les activités humaines impactent le climat est discutable ». Plus récemment aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders minimise la gravité de la crise climatique et refuse la coopération internationale sur cette question. En France, le RN ne se prononce pas ouvertement contre l’Accord de Paris sur le climat, mais Marine Le Pen a refusé de le ratifier en 2016 alors qu’elle était députée européenne et les votes du RN contre des mesures environnementales et climatiques sont fréquents à l’Assemblée nationale. Le programme du RN prévoit notamment l’arrêt des projets éoliens et le démantèlement des parcs existants.
Outre le changement climatique, l’Europe fait aujourd’hui face à de multiples crises, dans la résolution desquelles l’union ou la désunion aura un impact majeur.
Aux élections européennes de 2019, les partis nationalistes et populistes ont gagné du terrain, obtenant plus de la majorité des voix en Hongrie, en Italie et en Pologne. Ainsi, le groupe Identité et Démocratie, classé à l'extrême droite, a obtenu 73 sièges au parlement européen, soit 10 % des sièges. D’après les sondages sur les intentions de vote des citoyens européens, il pourrait même devenir le troisième parti le plus représenté au Parlement européen après les élections de juin 2024./.