L’ascension de l’extrême droite en Europe : état des lieux
Alors que sa plus récente victoire concerne l’Italie avec Fratelli d’Italia, l’extrême-droite a du succès dans de nombreux pays d’Europe. En Hongrie, le parti Fidesz de Viktor Orbán est au pouvoir depuis plus de dix ans et a remporté une victoire écrasante aux législatives de 2022. Ces élections lui ont permis de détenir 59 % des sièges au parlement et de former une coalition avec le parti chrétien-démocrate NKDP. Notons que plus de la moitié des électeurs ayant eu l'intention en 2021 de voter pour ce parti, vivaient dans des zones rurales. 16 % seulement de l'électorat de ce parti vivait à Budapest. Les habitants de la capitale constituaient une bien plus grande part de l'électorat de LMP, le parti des Verts hongrois. En Pologne, l’ultra-conservateur et anti-LGBT Andrzej Duda a été réélu lors des élections présidentielles de 2020 et à la Diète polonaise (parlement), le parti Droit et justice (PiS) est arrivé au pouvoir en 2015. Aux élections parlementaires de 2019, il a obtenu plus de 43 % des voix. En Suède, le parti des Démocrates suédois (Sverigedemokraterna), parti très à droite et anti-immigration, est devenu le deuxième plus grand en termes de voix obtenues aux élections législatives de 2022. Le parti des Démocrates Suédois a surtout séduit des personnes ayant un niveau d’éducation faible puisque seulement 8 % des citoyens suédois ayant effectué des études supérieures votaient pour ce parti, contre presque 25 % des personnes qui ont arrêté leur éducation après le collège. De plus, presque trois fois plus d'hommes que de femmes auraient voté pour les Démocrates Suédois en 2022. Ailleurs dans l’UE, l'extrême droite espagnole, représentée par Vox, détient environ 15 % des sièges au parlement, soit le double du nombre de sièges que le parti avait obtenu aux élections précédentes. En novembre 2019, Vox est devenu le troisième plus gros parti représenté. En France, la situation est similaire. Les scores de l’extrême droite ne cessent d’augmenter, en particulier ceux du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen ayant obtenu 23 % des voix au premier tour des élections présidentielles de 2022. Elle réunissait alors les intentions de votes de plus de 37 % des personnes issues d'un milieu social défavorisé. D’ailleurs, presque la moitié des ouvriers affirment avoir voté pour un parti d’extrême droite aux élections législatives françaises de 2022, contre seulement 15 % des cadres. En Belgique, le parti nationaliste flamand, Vlaams Belang, pèse actuellement 12 %, tandis qu'en Allemagne, l'AfD est descendu à 10 % aux élections fédérales de 2021. La montée de l’extrême droite est également visible au Parlement européen. Aux élections européennes de 2019, les partis nationalistes et populistes ont gagné du terrain, obtenant la majorité des voix en Hongrie, en Italie et en Pologne et une part non négligeable des voix en France et au Royaume-Uni. Ainsi, le groupe Identité et Démocratie, classé à l'extrême droite, a obtenu 73 sièges au parlement européen, soit 10 % des sièges. Les partis populistes ont souvent des tendances nationalistes et sont généralement pour un affaiblissement ou même une disparition de l’UE, dont ils considèrent qu’elle empiète sur la souveraineté des États. Les trois quarts des sympathisants du RN affirmaient en 2020 que l’UE était une mauvaise chose. Mais les partis d’extrême droite d’Europe ont également d’autres thèses communes.Thèmes communs des partis d’extrême droite
Les partis et mouvements d’extrême droite abordent souvent les mêmes thèmes, notamment l’immigration et l’insécurité. En 2020, 95 % des sympathisants du RN affirment qu'il y a trop d'étrangers en France et 85 % des sympathisants de Fratelli d’Italia sont d’avis que l’Italie devrait se fermer davantage face aux migrants. Les sympathisants des partis d’extrême droite sont accusés de propager le racisme et l’antisémitisme, allant jusqu’à, dans certains cas, user de la violence. En 2021, la France a procédé à 29 arrestations pour des projets d'attentats terroristes affiliés à l'extrême-droite. De plus, ces partis se positionnent en faveur de la famille traditionnelle, hétéroparentale. Cela sous-entend généralement moins de droits pour les personnes LGBT+, dont l’interdiction du mariage homosexuel. Les droits des femmes sont également menacés par les gouvernements régis par l’extrême droite, qui tentent de limiter voire d’interdire l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), ou encore à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En Pologne, depuis 2020, l’IVG n’est autorisée plus qu’en cas de viol, d’inceste, ou si la vie de la mère est en danger. Et en Hongrie, un décret de 2022 oblige les femmes à écouter le cœur du fœtus avant d’avoir la possibilité d’avorter. La restriction de l’IVG en Pologne avait engendré des manifestations et contestations, montrant le désaccord d’une grande partie de la population. En réalité, il semblerait que les citoyens choisissent parfois de voter extrême droite plus par contestation que par accord avec les idées politiques portées par ces. En Allemagne notamment, 60 % des électeurs de l’AfD affirmaient voter pour ce parti en raison de leur déception envers les autres partis politiques.Des raisons du vote d’extrême droite aux risques pour la démocratie et pour l’Union européenne
L’abstention était la véritable gagnante du premier tour des élections présidentielles de la France en 2022. Mais elle seule et l’affaiblissement des partis traditionnels ne suffisent pas pour expliquer une augmentation aussi forte du vote d’extrême droite dans toute l’Europe. La progression des mouvements d’extrême droite et la dédiabolisation des discours populistes pourraient être également liées à une recherche de réponses à la suite des nombreuses crises auxquelles les Européens ont fait face depuis 2008. L’inflation est le problème qui préoccupe le plus la population mondiale en juillet 2022 et la crise de l’énergie cause des difficultés durant les mois d’hiver en Europe. Mais la guerre en Ukraine a été précédée de la crise sanitaire et économique de la covid et de plusieurs autres crises, qui ont provoqué une hausse des inégalités entre les personnes les plus riches et les plus pauvres. Ainsi, entre 2017 et 2021, les 1 % des Français les plus pauvres ont vu leur niveau de vie diminuer de 0,17 % par an alors que les 1 % des Français les plus riches ont bénéficié d’une augmentation de leur niveau de vie de presque 3 % par an. En Allemagne, une enquête a mis en évidence le lien entre revenu et populisme. Plus le revenu d'une personne est faible, plus elle a de chances de développer des tendances populistes. Une augmentation de la pauvreté pourrait donc engendrer une hausse de votes pour l’extrême droite. Or, ces partis politiques risquent d’endommager la stabilité des démocraties européennes. En effet, 65 % des Allemands pensent en 2021 que l’AfD constitue une menace pour la démocratie en Allemagne. Si l’on s’intéresse à l’indice de démocratie des pays d'Europe, on peut voir que la Hongrie et la Pologne, toutes deux gouvernés par l’extrême droite, sont mal classées par rapport aux autres pays européens en 2021. Ce qui va de pair avec la démocratie, c’est la liberté de la presse, également moins garantie dans les pays gouvernés par l’extrême droite comme la Hongrie, la Pologne ou encore l’Italie. Enfin, l’extrême droite représente une menace pour la construction européenne. Alors que les citoyens du Royaume-Uni ont voté le Brexit en juin 2016, la question se pose de savoir si d’autres pays vont suivre, à l’instar d’un Frexit ou Dexit… En février 2022, 63 % des Français étaient favorables à l’organisation d’un référendum d’appartenance de la France à l’UE. La France figurait d’ailleurs en 2022 parmi les pays européens dans lesquels la population avait le moins confiance en l'UE. Pour davantage d’informations sur l’extrême droite en France, nous vous invitons à consulter notre dossier à ce sujet.Dans une Europe faisant face à de nombreuses crises, de la guerre en Ukraine à la crise climatique, les désirs nationalistes des extrêmes droites pourraient freiner voire empêcher les actions communes, en particulier concernant la lutte contre le dérèglement climatique. Par exemple, L’AfD déclarait en 2017 que le changement climatique serait « à l’œuvre depuis le début de l’existence même de la Terre », un ministre du Fidesz hongrois expliquait en 2018 que « le degré́ auquel les activités humaines impactent le climat est discutable », et le Front national s’est opposé à chacune des 13 réformes climatiques au Parlement européen entre 2009 et 2014. L’Europe fait donc aujourd’hui face à des multiples crises où l’union ou la désunion aura un impact majeur sur la résolution de ces conflits.