Maxime Gautier
Research Lead covering the French market
Le conflit Chine-Taïwan - Faits et chiffres
En 1949, les forces communistes chinoises menées par Mao Zedong défont le Kuomintang de Tchang Kaï-chek qui se replie sur l’archipel de Taïwan et installe à Taipei le nouveau gouvernement de la République de Chine, tandis que la République populaire de Chine est proclamée à Pékin. Après la mort de Tchang Kaï-chek, Taïwan se transforme progressivement en régime démocratique dans les années 1980 et organise sa première élection au suffrage universel direct en 1996. Cependant, pour la République populaire de Chine, Taïwan est et a toujours été une province administrée par le continent. C’est la politique « d’une seule Chine » où Taïwan est considérée comme une province rebelle et non pas comme une nation autonome. La République de Chine, si elle revendique son autonomie, ne s’affirme pas non plus comme indépendante de la Chine. Cette situation est qualifiée de statu quo. Mais depuis 2016, le statu quo est de plus en plus remis en question par les deux camps. À Taïwan, la présidente Tsai Ing-wen, réélue pour un second mandat en 2020, revendique une ligne politique en faveur de l’indépendance, en accord avec les aspirations des nouvelles générations qui ne s’identifient plus comme Chinois. Côté Pékin, le président Xi Jinping avait réaffirmé en 2021 son souhait d’une réunification « pacifique » avec l’archipel.
Mais pour la République populaire de Chine, la question taïwanaise dépasse le cadre de la politique « d’une seule Chine ». L’archipel lui offrirait en effet un avantage stratégique et économique extraordinaire. Actuellement, la Chine continentale voit son accès au Pacifique profond bloqué par une ceinture naturelle que forment le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et Taïwan. Récupérer Taïwan reviendrait ainsi à prendre contrôle de ses ports mais aussi du canal de Bashi, dans lequel sont installés de nombreux câbles sous-marins. En outre, Taïwan est un des pays leaders du marché des semi-conducteurs, composants essentiels à la fabrication de la majorité des produits électroniques actuels.
Les tensions ont franchi un nouveau cap le 2 août 2022 après la visite de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taïwan. Depuis, Pékin a multiplié les exercices militaires autour de l’archipel et a pénétré la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan (ADIZ) plus de 446 fois au cours d’août 2022. Incapable de faire face seule à la plus grande armée du monde, Taïwan espère toutefois compter sur l’aide de ses alliés américains.
Mais pour la République populaire de Chine, la question taïwanaise dépasse le cadre de la politique « d’une seule Chine ». L’archipel lui offrirait en effet un avantage stratégique et économique extraordinaire. Actuellement, la Chine continentale voit son accès au Pacifique profond bloqué par une ceinture naturelle que forment le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et Taïwan. Récupérer Taïwan reviendrait ainsi à prendre contrôle de ses ports mais aussi du canal de Bashi, dans lequel sont installés de nombreux câbles sous-marins. En outre, Taïwan est un des pays leaders du marché des semi-conducteurs, composants essentiels à la fabrication de la majorité des produits électroniques actuels.
Les tensions ont franchi un nouveau cap le 2 août 2022 après la visite de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taïwan. Depuis, Pékin a multiplié les exercices militaires autour de l’archipel et a pénétré la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan (ADIZ) plus de 446 fois au cours d’août 2022. Incapable de faire face seule à la plus grande armée du monde, Taïwan espère toutefois compter sur l’aide de ses alliés américains.
La Chine, un géant économique aux pieds d’argiles
En 2022, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine dépassait les 18 milliards de dollars, confortant son rang de deuxième puissance économique mondiale. Comptant sur un secteur des services fort ainsi que sur le dynamisme de ses exportations, l’économie chinoise continue d’accélérer le développement du pays en réduisant notamment son taux de pauvreté. Néanmoins, la bonne santé de l’économie chinoise est de plus en plus menacée. D’abord par les troubles géopolitiques autour de l’Ukraine et Taïwan qui pourraient mettre à mal son interdépendance économique avec les États-Unis, mais aussi par des bouleversements internes concernant sa population. La pyramide des âges chinoise vieillit et, depuis 2001, la part des Chinois ayant plus de 65 ans a doublé tandis que la tranche des moins de 14 ans a fortement reculé.Taïwan, une économie dynamique encore en développement
Taïwan bénéficie, au contraire, d’une population jeune mais de seulement 23,32 millions d’habitants en 2023, face à une population chinoise dépassant le milliard. Tout comme la Chine continentale, l’archipel a surtout développé son secteur tertiaire pour développer son économie et affichait un PIB de près de 763 milliards de dollars américains en 2022. Sa croissance a néanmoins été fortement impactée par la pandémie du Covid-19 et les consignes sanitaires strictes mises en place, reculant ainsi de plus de quatre points en 2022. L’économie taïwanaise peut néanmoins compter sur ses 77 usines de semi-conducteurs qui lui permettent d’occuper une place cruciale dans les échanges commerciaux internationaux.Un équilibre précaire dans les relations Chine-Taïwan
Malgré les tensions historiques existant entre les deux pays, les relations entre le continent et l’archipel sont fortes. Sur le plan économique d’abord, Taïwan étant le huitième importateur de produits chinois tandis que la Chine est le premier pays destinataire de ses exportations. Le poids de la Chine dans le commerce international de Taïwan passe à travers les semi-conducteurs, puisqu’il s’agit du type de biens le plus importé par le continent. Cette dépendance chinoise aux produits électroniques taïwanais permet ainsi à la République de Chine d’afficher un excédent commercial de plus de 37 milliards de dollars avec la République populaire. Les échanges entre les deux pays ne sont pas qu’économiques puisque Taïwan accueille notamment plus de 30.000 étudiants chinois sur son territoire. Ces relations étroites ne doivent cependant pas faire oublier la persistance des crispations entre les deux gouvernements mais aussi entre les peuples. Un sondage de 2021 montrait ainsi que plus de la moitié des Chinois estimaient qu’un conflit militaire devrait éclater dans le détroit de Taïwan et près de 12 % considéraient Taïwan comme le principal responsable de la montée des tensions.Un déséquilibre des forces en faveur de la Chine
Dans le cas où un conflit éclaterait entre la Chine et Taïwan, l’archipel se retrouverait dans une infériorité numérique critique. La Chine compte en effet un armement terrestre et aérien quatre fois supérieur à celui de l’État insulaire et consacrait près de 200 milliards de dollars au secteur de la défense en 2021 contre 12 milliards pour Taïwan. Cette supériorité chinoise est toutefois contrebalancée par l’avantage géographique de l’archipel taïwanaise. Taïwan est en effet une région montagneuse difficile d’accès où l’armée y a installé ses bases et ses équipements stratégiques, dont ses forces anti-aériennes. Pour atteindre l’île, la Chine devrait en plus traverser les 160 kilomètres d’océan qui les séparent. Une telle distance pour un débarquement n’a jamais été parcouru et laisserait notamment le temps aux soutiens de Taïwan de réagir.La question de l’intervention américaine
En cas d’attaque, l’armée japonaise devrait en effet prendre la défense de Taïwan, de même que les Philippines qui ne voudraient pas perdre leur accès au canal de Bashi. La grande inconnue repose sur les États-Unis. Si, en septembre 2022, le président Joe Biden avait affirmé que les États-Unis interviendraient en cas de conflit, ses propos ont par la suite été tempérés par le Pentagone. Mais l’absence d’une participation américaine fragiliserait la crédibilité de son armée auprès de ses alliés d’autres zones sensibles, d’autant plus qu’une majorité des Américains se prononcent en faveur d’une intervention. Une participation américaine serait d’autant plus facilitée par son réseau de bases militaires implantées en Asie-Pacifique qui faciliterait des frappes aériennes sur la vaste flotte navale chinoise. Cependant, en cas de défense de Taïwan par les États-Unis, la Corée du Nord, puissance nucléaire, a confirmé qu’elle soutiendrait la Chine alors que la question d’une participation de la Russie, en difficulté dans le conflit ukrainien, reste en suspens.
