
Le marché de la surveillance de masse
La Chine fait figure de Silicon Valley de la surveillance de masse. Largement répandues depuis plusieurs années, les caméras de vidéo-surveillance sont très répandues sur le territoire chinois. En 2021, on dénombrait dans l’espace public près de 375 caméras pour 1.000 habitants dans les villes chinoises, soit un ratio de près de 100 fois supérieur à Paris. Alors qu’autrefois des agents des forces de sécurité étaient postés derrière un poste de surveillance, la détection des comportements tend à s’automatiser et la technologie de la reconnaissance faciale séduit de plus en plus.La reconnaissance faciale est une technologie qui permet à la fois d’authentifier une personne, comme lors de contrôles de passeports biométriques automatisés, et d’identifier une personne, c’est-à-dire de retrouver une personne au milieu d’un groupe ou d’une foule, à partir de bases de données. Cet outil connait un développement rapide : il est estimé que le chiffre d’affaires réalisé en lien avec la reconnaissance faciale augmentera de plus de 200% entre 2021 et 2027 dans le monde. En Chine, le marché de la reconnaissance biométrique s’élevait à 40 milliards de yuans en 2022 (soit environ 5,4 milliards d’euros).
Autrefois technologie digne d’un roman dystopique, la reconnaissance faciale semble de plus en plus acceptée, même dans les pays démocratiques. L’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins de surveillance policière était acceptée par la majorité des Américains en 2022. Parmi les technologies utilisées, on trouve les caméras « Ring », un judas intelligent à installer sur une porte et dont des partenariats ont été mis en place avec de nombreux services de police aux États-Unis, augmentant ainsi le champ de vision de la vidéo-surveillance à certains endroits. Cependant, malgré le développement de ces technologies, on observe une crainte auprès des professionnels du secteur. En 2022, 73% des experts travaillant dans le secteur du biométrique se disaient inquiets des dérives liées au contrôle de masse provoqué par les technologies qu’ils développent.
Cambridge Analytica, Pegasus, les scandales de la surveillance de masse
Loin de la surveillance policière et étatique du régime de l’Océania dans le roman dystopique 1984, les agents de contrôle sont en réalité souvent les individus surveillés eux-mêmes et les objets qu’ils introduisent dans leur vie privée. Aujourd’hui, l’utilisation du smartphone dans nos activités quotidiennes est devenue la norme, tout comme les réseaux sociaux, dont les taux de pénétration sont très élevés dans de nombreux pays. Bien que les données des utilisateurs des réseaux sociaux soient censées être uniquement utilisées à des fins publicitaires, plusieurs scandales ont émoussé les géants du net. Par exemple, les opinions politiques des utilisateurs sont parfois analysées et vendues à des fins électorales, comme dans le cadre du scandale de Cambridge Analytica en 2016 sur Facebook. Il est estimé que plus de 70 millions de comptes Facebook ont été compromis aux États-Unis par les activités de l’agence londonienne.D’autres sociétés se sont spécialisées dans l’espionnage, comme NSO Group, société israélienne qui était au cœur du scandale de l’affaire Pegasus en 2021. Officiellement une entreprise centrée sur la cyber-intelligence pour la sécurité et la stabilité globale, la start-up offrait ses services à de nombreux États pour surveiller des personnalités politiques ou médiatiques dans leurs pays, au point de piéger les téléphones et boites mail personnelles.
Protection des données personnelles
Sur les réseaux sociaux, on partage nos achats, nos déplacements, nos moments de vie à travers un texte, une photo ou une vidéo, mais également nos goûts et opinions via les publications que l’on consulte, « aime » ou commente. En Europe, des efforts légaux ont été faits pour améliorer la protection des données personnelles en ligne. Après l’affaire Snowden de 2013 et la prise de conscience de la potentielle complicité des géants du web avec les services secrets américains, l’Union européenne lance un processus législatif visant à adopter le règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce règlement de 2018 permet de réguler le traitement des données personnelles sur le territoire européen. Cependant, l’entrée en vigueur de cette législation n’a pas résolu tous les problèmes et le fait est que plus un internaute passe de temps en ligne et partage sur Internet, plus il s’expose à une diffusion de ses données personnelles.Malgré la vigilance des utilisateurs, une protection totale des données personnelles en ligne est presque impossible. Depuis le début de l’ère d’internet, la toile a été émaillée de hackings retentissants visant des sites très visités. De nombreux réseaux sociaux ont été piratés, enregistrant le vol de données de centaines de millions d’utilisateurs, diffusées librement dans le monde entier. Ces scandales ont ravivé les craintes des utilisateurs concernant la sureté de leurs données en ligne. Fin 2022, plus de 60% des internautes se disaient très inquiets du vol de leur identité en ligne et deux tiers des consommateurs mondiaux affirmaient que les entreprises de la tech détenaient beaucoup trop de contrôle sur leurs données privées.
Pour se protéger, les internautes peuvent avoir recours à des messageries plus ou moins cryptées. En période de crise comme lors d’une guerre, les informations partagées en ligne sont étroitement sensibles et surveillées. En réaction, de plus en plus d’utilisateurs privilégient des moyens de communication plus sécurisés. Début 2022, en Ukraine et en Russie, le nombre de téléchargements des applications de messagerie Signal et Telegram a ainsi explosé et le nombre d’utilisateurs russes d’applications de VPN a fortement augmenté.