L'intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée par les journalistes au sein des rédactions, notamment pour des tâches comme la recherche d'informations et de données, la traduction, la transcription et la reformulation de texte ou encore la suggestion de titres. On commence aussi à voir apparaître des cas où une IA générative produit des articles entiers de presse. Au Royaume-Uni, le groupe de presse Reach utilise par exemple un outil d'IA appelé « Gutenbot » pour aider ses journalistes à reformuler des articles pour les différents sites web de son réseau. En Allemagne, le tabloïd Express.de a testé en 2023 un robot d'IA appelé « Klara Indernach » pour rédiger plus de 1 500 articles, ayant contribué à environ 10 % des lectures du site.
Si le public reste globalement sceptique ou méfiant à l'égard de ces approches automatisées du traitement de l'information, il accepte cependant davantage que les journalistes utilisent l'IA dans un rôle d'assistance, notamment afin d'améliorer la qualité des contenus. Comme le révèlent les données du rapport annuel de l'Institut Reuters pour l'étude du journalisme publié le 17 juin, il y a également plus de scepticisme à ce sujet en Europe qu'aux États-Unis, où les grandes entreprises investissent massivement dans ces nouvelles technologies. Mais c'est en Asie que le public et les éditeurs se montrent les plus confiants vis-à-vis de l'utilisation de l'IA, avec des niveaux d'adoption déjà relativement élevés. En Indonésie par exemple, le principal diffuseur TVOne utilise des présentateurs ou des reporters générés par l'IA pour présenter l'actualité en complément de ses journalistes stars, tandis qu'en Inde, plusieurs journaux ont lancé des chaînes YouTube avec des contenus s'appuyant sur l'utilisation de l'IA générative.
Comme le met en avant notre infographie, basée sur les données de l'étude de l'Institut Reuters (échantillons représentatifs de la population en ligne), on constate une corrélation claire entre le niveau de confiance accordée à l'IA et la proportion d'utilisateurs hebdomadaires déclarés de chatbots pour s'informer. Ainsi, près d'un cinquième (18 %) de l'échantillon indien et un répondant indonésien sur dix (9 %) ont indiqué utiliser des chatbots (tels ChatGPT et Google Gemini) pour accéder aux actualités chaque semaine, avec entre 37 % et 44 % des personnes se disant à l'aise avec le fait que des informations soient générées par une IA (avec un certain degré de supervision humaine). En revanche, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, le taux d'utilisateurs n'est que de 3 à 4 %, avec moins d'une personne interrogée sur cinq disant faire confiance à l'utilisation de l'IA dans ce domaine (16 % en France, 11 % au Royaume-Uni). Cela laisse suggérer que l'adoption de l'IA est susceptible de se faire plus rapidement et de manière potentiellement différente dans certaines régions du monde.
Si l'on examine les raisons du scepticisme du public, on constate que les personnes interrogées estiment que l'IA générative est susceptible de rendre l'accès à l'information plus abordable, et davantage en temps réel (presque sans délai), mais dans le même temps, une proportion significative pense que l'IA rendra les informations moins transparentes, moins précises et moins dignes de confiance. Comme le souligne l'Institut Reuters, les cas documentés où des IA génératives ont commis des erreurs factuelles, inventé ou déformé des citations, peuvent alimenter ces inquiétudes.