Les Chaebol : des géants industriels au service du soft-power
La grande particularité de la stratégie du soft-power sud-coréen est la volonté de mise en retrait des institutions publiques au profit des acteurs privés qui, de par leur réussite, se doivent d’être les porte-étendards du pays. Séoul peut ainsi compter sur ses « chaebols », les champions nationaux équivalents des zaibatsu japonais, qui ont été les moteurs de la croissance sud-coréenne depuis la fin de la Guerre de Corée. On compte parmi eux Samsung, Hyundai ou encore Daewoo. Spécialisées dans les industries de pointe, notamment dans l’électronique et la technologie, ces entreprises ont ainsi aidé la Corée du Sud à devenir une place forte du marché mondial des semi-conducteurs. En 2021, avec ses 15 usines de fabrication, la Corée du Sud détenait ainsi 16 % des parts du marché des semi-conducteurs. Les retombées économiques de ces entreprises permettent ainsi de financer les industries culturelles tout en attirant des investisseurs étrangers. L’avancée technologique de la Corée du Sud bénéficie d’autant plus au secteur de la culture qu’elle permet la mise en place de nouveaux services inédits comme Weverse, un réseau social mettant en relation les artistes de K-pop avec leurs fans.La K-pop : symbole du rayonnement sud-coréen
67 millions, c’est le nombre d’abonnés du groupe BTS sur Spotify en 2023. 520 millions de won, c’est la progression du chiffre d’affaires de HYBE en 2022 après avoir absorbé Big Hit Music, le label produisant BTS. Des chiffres qui sont pourtant encore loin de refléter le phénomène mondial qu’est aujourd’hui ce boys band. À la fois leader de l’industrie musicale et diplomates officieux de la Corée du Sud, BTS est l’incarnation même de la K-pop, fer de lance de la vague coréenne. Plus qu’une industrie pesant plus de six milliards d’euros sur le seul sol coréen en 2021, la K-pop incarne surtout la singularité – et raison de son succès – de la culture médiatique sud-coréenne. Contrairement aux artistes occidentaux, les stars coréennes s’axent autour d’une logique participative et d’engagement de leurs communautés qui deviennent elles-mêmes créatrices de contenus. Outre cette particularité culturelle, la K-pop est également le symbole du soft-power made in Corée du Sud où les acteurs culturels sont soutenus par des agents financiers massifs, pour ensuite être récupérés par les gouvernants politiques. Récupération qui agace toutefois les Coréens, ces derniers reprochant à leur président actuel, Yoon Suk Yeol, de s’approprier l’image des stars locales à des fins de propagande politique.Hallyu : une vague coréenne globale
En 2021, la Corée du Sud avait exporté pour plus de sept milliards de dollars de produits culturels. Si la K-pop occupe une place importante dans les exportations sud-coréennes, elle n’est toutefois pas la seule représentante internationale de la K-wave. La marque « K » s’étend ainsi à la quasi-intégralité de l’industrie culturelle coréenne. Les K-dramas et le cinéma coréen connaissent un succès mondial et attirent les plateformes de streaming, avec des titres comme Parasite, Squid Game ou encore Crash Landing on You. Ils participent ainsi à booster l’économie locale en mettant en avant des produits typiques de la culture sud-coréenne tels que le « hanbok » (costume traditionnel), le hanok (maison traditionnelle) ou encore le hanji (papier coréen) qui attirent des touristes du monde entier. Entre 1995 et 2019, les arrivées de touristes en Corée du Sud ont ainsi été multipliées par quatre, le tourisme comptant pour près de 2 % du PIB coréen en 2023. Autre conséquence du rayonnement de ces œuvres, l’apprentissage du hangeul. Quasi-absent en-dehors de l’échelle locale, la langue coréenne s’est massivement démocratisée et ce sont près de 240.000 personnes qui passaient l’examen officiel de maîtrise du coréen, le TOPIK, en 2022. Mais outre son industrie du divertissement, la Corée du Sud est également réputée pour celle de la chirurgie esthétique, dont la pratique est beaucoup plus fréquente en Asie qu’en Europe, ainsi que pour ses cosmétiques et produits de beauté. Aussi, entre 2014 et 2021, les exportations de produits de beauté en provenance de la Corée du Sud avaient plus que quintuplé.La vague coréenne va-t-elle finir par redescendre ? Pas dans les prochaines années, puisqu’outre le succès bien établi de la « K-wave » actuelle, une seconde vague semble sur le point de déferler sur le monde, portée par la cuisine coréenne ainsi que par les webtoons. Ce mélange de mangas japonais et manhwas coréens dont le format de lecture a été pensé pour les écrans de smartphone pesait ainsi déjà plus d’un milliard euros en 2021 et pourrait bien révolutionner l’industrie du livre numérique.